Chaque année, les responsables d’investissement de Neuberger Berman identifient 10 thèmes clés qui, selon eux, domineront les marchés au cours des 12 prochains mois. Voici ce à quoi ils s’attendent en 2024.
1. Des défis croissants pour le consommateur
La résilience de nombreuses économies en 2023, en particulier celle des États-Unis et d’autres pays davantage axés sur les services que sur l’industrie manufacturière, est due en grande partie au faible taux de chômage et à l’épargne excédentaire que les consommateurs ont accumulée pendant la pandémie. Ces économies excédentaires, qui favorisaient déjà les consommateurs les plus riches plutôt que les revenus moyens ou faibles, sont en train de s’épuiser. Nous pensons que l’inflation restera probablement supérieure aux objectifs, que les taux resteront élevés, tout comme les coûts du logement qui se maintiendront à des niveaux records sur plusieurs décennies et que les marchés de l’emploi s’affaibliront en 2024. Il faut s’attendre à ce que la faiblesse de la consommation soit au cœur du ralentissement économique l’année prochaine.
2. La persistance de l’inflation et le ralentissement de la croissance ne sont pas si néfastes pour les investisseurs
Les projections actuelles pour 2024 suggèrent la persistance d’une inflation supérieure à l’objectif et de taux plus élevés, même si la croissance réelle diminue. Cependant, nous sommes loin des extrêmes de la « stagflation » des années 1970, et ces conditions signifient une croissance nominale relativement élevée par rapport à la majeure partie de la dernière décennie. Cette situation pourrait être délicate pour les obligations à long terme et les actions sensibles aux taux d’intérêt, mais plus neutre pour les entreprises de qualité, c’est-à-dire celles qui disposent d’un bilan solide pour se prémunir contre la hausse du coût du capital et qui sont capables de maintenir leurs marges dans un environnement de faible croissance réelle.
3. Une plus grande disparité des politiques budgétaires
Une nouvelle hausse des rendements et le retour des primes de terme, tant aux États-Unis (où la croissance a bien résisté) qu’en Europe (où la croissance s’est essoufflée), laissent entrevoir une inquiétude croissante quant à la viabilité de la dette. Après trois années de consensus quasi-universel sur le déficit budgétaire pour protéger les travailleurs et les consommateurs de l’impact de la pandémie, le débat devrait s’ouvrir sur l’impact d’une politique monétaire stricte et d’une politique budgétaire expansionniste sur les déficits, mais aussi sur le bon équilibre entre les dépenses obligatoires, les dépenses de défense et de sécurité, les dépenses liées à la politique industrielle et la transition énergétique, ainsi que les frais d’intérêt. Certains pays continueront à élargir leur politique budgétaire (probablement en la réorientant vers le financement de la politique industrielle), d’autres réaffirmeront leur discipline budgétaire, et d’autres encore se verront imposer une discipline par des marchés obligataires de nouveau optimistes. Le calendrier électoral chargé au niveau mondial viendra probablement compliquer la prise de décision.
4. La délicate transition vers l’ESG
Alors que l’investissement durable et la réglementation ESG deviennent communément admis, tout en étant de plus en plus fragmentés, les investisseurs eux-mêmes deviennent plus pragmatiques et sont à la recherche de solutions. Il s’agit là de tensions typiques lorsqu’un secteur gagne en maturité. L’ESG et le développement durable resteront des éléments clés de la réglementation, mais perturbés par des approches régionales divergentes. Toutefois, cela permettra aux investisseurs de mieux comprendre la différence entre l’investissement durable et celui d’’impact, mais aussi l’intégration de facteurs ESG financièrement significatifs dans l’analyse d’investissement. Cela permettra également aux sociétés de gestion d’observer ces distinctions en interne, d’apporter de véritables solutions (plutôt que de simples « étiquettes ») à leurs clients et d’effectuer les investissements nécessaires en termes de personnel et de données pour intégrer véritablement les facteurs ESG dans leurs capacités de recherche et d’engagement.
5. La qualité des résultats des entreprises au premier plan
En 2022, les marchés actions ont été principalement stimulés par la hausse des taux réels : les valeurs de croissance à plus long terme ont connu une véritable baisse. Les actions ont fait face à une forte tendance à la baisse durant la majeure partie de l’année 2023, à une exception près : un petit nombre de méga-capitalisations technologiques ont bénéficié d’un excès de liquidités, d’un renversement de tendance en faveur des « perdants de 2022 » et de l’engouement autour du potentiel de l’IA. La tendance à la baisse sur les bénéfices, en cours depuis 2023, devrait également se poursuivre en 2024. La prise de conscience de la montée des incertitudes macroéconomiques au niveau mondial et de la raréfaction des liquidités recentrera l’attention sur les valorisations, la qualité des bénéfices et la résistance des fondamentaux des entreprises au ralentissement de la croissance de manière plus générale. Il s’ensuivra probablement une forte disparité des performances, non seulement au sein des secteurs, mais aussi entre eux, et, potentiellement, entre la gestion active et la gestion passive.
6. Les retardataires ont le vent en poupe
Nous avons constaté une grande disparité de l’optimisme entre les régions (avec une préférence pour les marchés développés vs. émergents), les pays (l’Inde vs. la Chine), les styles (croissance vs. value), les secteurs (technologie vs. valeurs financières) et en termes de taille (grandes capitalisations vs. PMEs). Si la croissance est décevante ou si le coût du capital continue d’augmenter, les marchés les plus pessimistes sont susceptibles d’enregistrer de meilleures performances que ceux qui s’attendent à la perfection. Le va-et-vient entre ces catégories d’investissement que nous avons observé en 2022 et 2023 pourrait se poursuivre en 2024.
7. Marchés obligataires, l’offre est la demande l’emportent
Tout comme en 2023, les variations marginales des spreads et des rendements continueront de dépendre davantage des aspects techniques de l’offre et de la demande que des fondamentaux. Le niveau modeste d’émissions et l’appétit pour des rendements plus élevés ont maintenu les spreads de crédit serrés et dans la fourchette pendant la majeure partie de 2023. L’augmentation de l’offre d’obligations d’État a une incidence sur les rendements sans risque et sur la forme des courbes de rendement. De même, les rendements élevés des liquidités ont créé une forte demande technique pour les liquidités et les investissements à court terme, ce qui commence à repousser le point le plus attractif pour la valeur relative vers les échéances intermédiaires. Il est peu probable que ces facteurs techniques changent de manière significative en 2024.
8. Un niveau de risques élevé
La hausse des taux d’intérêt se répercutant sur l’économie réelle, les défauts de paiement commencent à augmenter et feront partie intégrante du marché du crédit en 2024. Nous nous attendons à ce que les tensions sur le crédit soient idiosyncrasiques : les entreprises avec une dette à taux fixe de plus long terme et des liquidités à haut rendement, ainsi que des bilans plus solides et la capacité à maintenir et accroître leurs marges, ne devraient pas connaître d’élargissement substantiel de leurs spreads. Le taux de défaut devrait être faible par rapport aux cycles précédents, mais il faudra toutefois faire attention. Une part importante des prêts aux entreprises a été transférée sur les marchés non cotés depuis 2008, et la détérioration des paramètres de crédit s’étend à l’immobilier et à la dette des consommateurs, de sorte qu’un faible taux de défaut apparent des entreprises n’est pas forcément révélateur. De plus, le risque systémique sera élevé, compte tenu de l’ampleur et de la rapidité du cycle de resserrement, comme nous l’avons observé durant la mini-crise bancaire de 2023.
9. Investir la ou les capitaux se font rares
Même si les levées de fonds sont en baisse, il y a encore beaucoup de « poudre sèche » sur les marchés privés, mais pas toujours au bon endroit. Les goulets d’étranglement au niveau des sorties signifient que les sociétés de capital-investissement cherchent à tirer davantage de croissance de leurs meilleures entreprises en portefeuille, tout en fournissant des liquidités aux investisseurs qui en ont besoin. Ce phénomène a entraîné une augmentation de la demande de capitaux, non pas pour de nouvelles opérations, mais pour des opérations secondaires, des co-investissements, de la dette privée et des solutions de capital telles que des « preferred or structured equity ». Nous pensons que ces secteurs resteront les plus attractifs du non-coté au travers de l’année 2024.
10. L’immobilier se divise entre les plus forts et les plus faibles
Les propriétaires et les opérateurs immobiliers sont confrontés à des augmentations historiques du coût du capital, à des changements structurels dans la demande d’immeubles de bureaux, industriels, résidentiels et commerciaux, ainsi qu’à des disparités géographiques croissantes en termes de bien-être économique. Cette situation divisera les propriétaires en deux groupes, les plus forts et les plus faibles, et combinera avantages et inconvénients. Les acteurs expérimentés qui affichent de bonnes performances et des bilans solides devraient être en mesure de continuer à consolider leur position de leader sur le marché. En outre, les synergies entre les plus forts, les plus faibles et la volatilité devraient créer des opportunités sur les marchés du crédit immobilier.