Souvent compliquée à gérer, l’indivision n’a généralement pas bonne presse. Les professionnels du patrimoine déconseillent souvent le choix de cette situation et encouragent les personnes concernées à trouver rapidement une solution pour en sortir ou organiser leurs rapports de façon différente. Or, le maintien en indivision peut se justifier si ces mêmes personnes souhaitent rester unies autour d’un bien familial. En outre, dès lors que l’indivision est organisée, elle peut éviter un partage hâtif ou bien l’arrivée d’un tiers.
L’indivision désigne le fait, pour plusieurs personnes, d’être collectivement propriétaires d’un même bien (ou d’une masse de biens, ou encore d’une servitude) sur lequel elles exercent des droits de même nature :
- ces propriétaires sont appelés « indivisaires » et le bien, « bien indivis » ;
- la propriété de chaque indivisaire est dénommé « quote-part » (indivise).
Notez que cette quote-part est abstraite, elle n’est pas matérialisée : il n’y a pas de division matérielle du bien concerné.
Ne pas confondre indivision et démembrement |
Il n’y a pas d’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire, ces derniers étant titulaires de droits différents et indépendants. En revanche, l’indivision peut porter sur un usufruit ou une nue-propriété. |
NAISSANCE DE L’INDIVISION : LÉGALE OU CONVENTIONNELLE
L’indivision peut résulter de circonstances diverses. La cause la plus fréquente est l’ouverture d’une succession : le défunt laisse des héritiers, chacun pouvant prétendre à une quote-part de ses biens. On parlera alors d’indivision légale puisqu’elle est le résultat de la seule application de la loi. Par analogie à cette situation, on rencontrera aussi souvent l’indivision dite post-communautaire, issue de la dissolution d’un régime matrimonial de communauté, à la suite du décès de l’un des époux ou d’un divorce, les biens communs n’étant pas encore partagés.
L’indivision peut aussi naître de la seule volonté des personnes qui s’y engagent, par exemple, lors de l’achat d’un bien immobilier. Dans ce type de situation, l’indivision est généralement formalisée par une convention signée par tous les indivisaires. D’ailleurs, à ce titre, rien n’empêche les indivisaires légaux à organiser aussi la gestion de leurs biens communs dans le cadre d’une convention.
GESTION DE L’INDIVISION : L’ACCORD DES INDIVISAIRES QUASIMENT TOUJOURS REQUIS
Règles générales d’administration et de jouissance
Sauf convention particulière, un indivisaire ne peut disposer seul d’un bien (par exemple, le transformer ou le vendre) sans le consentement des autres. C’est la principale contrainte de l’indivision. La loi autorise toutefois quelques libertés de mouvement. Ainsi tout indivisaire peut-il « prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence » (article 815-2 du Code civil). On entend par « conservation » tout acte susceptible d’éviter la perte du bien, par exemple la souscription d’un contrat d’assurance, une mise en demeure adressée à un tiers, une action de revendication, etc. À ce titre, l’indivisaire peut employer les fonds de l’indivision détenus par lui. À défaut de fonds dans l’indivision, l’indivisaire peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.
Bon à savoir |
Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun (article 815-5 du Code civil). |
Au-delà de ce premier niveau d’intervention possible, l’unanimité des indivisaires n’est pas toujours requise. En effet, l’article 815-3 du Code civil prévoit que le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
- effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis, par exemple, faire des travaux d’entretien, ou encore voter lors d’une assemblée de copropriétaires ;
- donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;
- vendre les meubles indivis pour payer les dettes et les charges de l’indivision ;
- conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Malgré ce pouvoir, le ou les détenteurs des deux tiers des droits sont néanmoins tenus d’informer les autres indivisaires des actes entrepris. À défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Le consentement de tous les indivisaires, autrement dit l’unanimité, est toutefois toujours requis pour :
- tout acte qui ne ressort pas de l’exploitation normale des biens indivis, par exemple, changer l’affectation d’un bien immobilier, ou encore donner congé à un locataire ;
- la vente de biens meubles indivis autre que celle destinée à payer les dettes et charges de l’indivision ;
- la vente de biens immobiliers indivis.
Assurance
Sauf dispositions particulières, l’assurance d’un bien indivis est souscrite au nom des indivisaires.
Fiscalité de l’indivision
Au regard de l’impôt sur le revenu, chaque indivisaire déclare les revenus perçus proportionnellement à sa quote-part. Les différentes règles (plafond, abattement, etc.) s’appliquent individuellement à chaque indivisaire.
Gestion des revenus |
Les revenus tirés de la gestion ou de l’exploitation d’un bien indivis reviennent à l’indivision, sauf convention contraire. Par conséquent, chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision. De même, chacun peut user et jouir du ou des biens indivis (par exemple, occuper un logement). Cette jouissance doit être cependant être conforme à la destination du bien et doit être compatible avec le droit des autres coïndivisaires. Ce droit est normalement assorti d’une indemnité, sauf s’il en est prévu autrement par convention. |
En matière d’impôt sur la fortune immobilière, l’indivisaire déclare sa quote-part de droits. En pratique, s’il semble admis qu’un immeuble puisse bénéficier d’une décote du fait de l’indivision, cette décote sera appréciée au cas par cas, et donc acceptée ou non, par l’administration fiscale pour chaque indivisaire.
S’agissant de la taxe foncière due au titre d’un bien immobilier, celle-ci est établie par principe au nom des indivisaires. En pratique, tous peuvent être désignés si leur nombre n’excède pas trois. Dans le cas contraire, il est porté l’indication du nom du propriétaire ayant la part la plus prépondérante suivie de la mention « et copropriétaires ». Le trésorier peut demander le paiement des cotisations à l’un des indivisaires sans que celui-ci puisse réclamer une répartition entre les copropriétaires. Cette répartition du paiement de la taxe est donc du seul ressort des indivisaires.
Transmission
Au décès d’un indivisaire, sa quote-part revient à ses héritiers et légataires.
MANDAT ET CONVENTION POUR FACILITER LA GESTION D’UNE INDIVISION
Au contraire d’une mise en société, l’indivision, d’autant plus lorsqu’elle est subie, n’est pas une situation forcément organisée. Cependant, comme nous l’avons vu, à la majorité des deux tiers, les indivisaires peuvent donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration. Dans ce cas, le mandat porte uniquement sur les seuls actes d’administration évoqués précédemment.
Lorsque l’indivision est voulue et maintenue, les indivisaires peuvent à l’unanimité mettre en place une convention qui permettra d’aller au-delà du simple mandat d’administration, d’inscrire l’indivision dans la durée, même si elle demeure toute relative dans l’absolu, et d’accélérer les prises de décision qui peuvent être entravées par les règles légales de majorité. La convention va définir les règles du jeu, notamment en déterminant les conditions du mandat confié à celui qui sera désigné pour gérer l’indivision et en délimitant l’étendue de ses pouvoirs. Une telle convention est nécessaire pour préciser les conditions de gestion mais elle peut permettre de régler le statut d’un bien particulier faisant partie de la masse indivise, celui qui, par exemple, est le plus rentable ou le plus productif de revenus.
La convention doit être écrite, signée de tous les indivisaires. L’intervention d’un notaire, obligatoire l’indivision comprend des biens immobiliers, permet de sécuriser son contenu. La convention :
- désigne le ou les biens mis en indivision ;
- précise la quote-part de chaque indivisaire sur ces biens ;
- prévoit les modalités d’une éventuelle transmission des droits d’un indivisaire.
La convention peut être conclue pour une durée déterminée, dans une limite maximale de 5 années, ou directement pour une durée indéterminée.
POINT NOIR DE L’INDIVISION : LE PARTAGE PEUT TOUJOURS ÊTRE PROVOQUÉ
Par principe, il peut être mis fin à tout moment à l’indivision. Comme le prévoit le Code civil, « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».
Sur la base de ce principe :
- chaque coïndivisaire peut céder ou hypothéquer sa quote-part indivise, les cessions de droits indivis à une personne étrangère à l’indivision n’étant toutefois possibles qu’après notification aux autres indivisaires ;
- chaque indivisaire peut, sauf exceptions, exiger le partage. Si la demande ne rencontre pas l’adhésion des autres indivisaires, il peut provoquer ce partage par voie judiciaire.
Bon à savoir |
Si la convention est faite pour une durée indéterminée, les indivisaires conservent le droit de demander le partage mais ce droit n’est pas discrétionnaire : il ne doit pas être exercé de mauvaise foi ou à contretemps. |
Dès lors qu’un ou plusieurs indivisaires souhaitent sortir de l’indivision et vendre le ou les biens indivis, la règle de l’unanimité requise normalement pour une telle opération peut être assouplie par le biais d’une autorisation judiciaire et sous certaines conditions (article 815-5-1 du Code civil) :
- le ou les indivisaires demandeurs doivent détenir au moins deux tiers des droits indivis ;
- le ou les biens concernés doivent être détenus en pleine propriété par l’indivision (ainsi, l’assouplissement de la règle de l’unanimité pour la vente de biens indivis ne s’applique-t-il pas en cas de démembrement de propriété) ;
- aucun indivisaire ne doit être présumé absent ou se trouver par suite d’éloignement hors d’état de manifester sa volonté ou faire l’objet d’un régime de protection.
Dès lors, la procédure à suivre est la suivante : le ou les indivisaires désireux de vendre doivent exprimer leur volonté auprès d’un notaire. Dans le mois qui suit, ce dernier signifie l’intention aux autres indivisaires, lesquels ont trois mois pour se prononcer. S’ils s’opposent à la vente ou s’abstiennent de répondre dans le délai, le notaire le constate par procès-verbal. Les indivisaires qui veulent vendre peuvent alors saisir le tribunal judiciaire qui peut autoriser la vente si elle « ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires ». La vente s’effectue par le biais d’une vente aux enchères publiques.
Nonobstant le fait que l’indivision peut, dans certains cas prévus par le Code civil, être maintenue pour une durée de 5 ans renouvelable, le partage amiable est préférable à celui imposé par la justice. D’une part, parce que la procédure judiciaire est généralement longue. D’autre part, le juge peut, soit compte tenu des circonstances, soit à la demande d’un indivisaire, reporter le partage pour deux années si sa réalisation immédiate risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis. Il faut savoir que le recours au partage amiable est néanmoins possible à tous les stades du partage judiciaire.
Bon à savoir |
Lorsque le partage résulte d’un acte notarié, un droit de 2,5 % est dû sur le montant brut des biens partagés diminué des charges. Le taux est réduit pour les partages de communauté à l’issue d’un divorce, d’une rupture de Pacs ou d’une séparation de corps. |
LA SOCIÉTÉ CIVILE SOUVENT PRÉSENTÉE COMME UNE ALTERNATIVE À L’INDIVISION
Lorsque la détention du ou des biens indivis est appelée à durer dans le temps pour des raisons familiales ou autres, le recours à la société civile est souvent conseillé pour écarter l’indivision et les inconvénients qui s’y attachent. Face au caractère quelque peu précaire de l’indivision, la société civile permet d’inscrire la gestion du patrimoine dans la continuité, en faisant échapper les associés aux risques de blocage qui caractérisent l’indivision et aux aléas de l’action en partage qui appartient à tout indivisaire. La durée de la société est librement fixée par les associés et, sauf clause contraire des statuts, son gérant dispose de larges pouvoirs de gestion des biens. En outre, un associé isolé ne peut pas, en principe, imposer aux autres associés la dissolution de la société, sauf à demander la dissolution judiciaire. Plus généralement, la continuité de la société est assurée par-delà le retrait des associés. En effet, lorsqu’un associé désire se retirer, ce retrait prend la forme d’une cession ou d’une transmission de ses parts, ou d’une réduction du capital de la société. Cependant, la création de la société et sa gestion par la suite requièrent un formalisme (statuts, dépôts d’actes, assemblées, procès-verbaux….) qui peut apparaître contraignant aux yeux de certains.