Rappel préliminaire
Les dons manuels présentent la particularité de ne pas être taxables. Cependant, ils le deviennent lorsqu’ils font l’objet d’une reconnaissance judiciaire (CGI art. 757, al. 1).
Les faits
Au décès de sa mère, une fille assigne la légataire universelle instituée par testament aux fins d’annulation de celui- ci et de restitution des sommes sur le fondement du recel successoral. Les juridictions du fond appelées à statuer sur le litige mentionnent dans leurs décisions diverses opérations de paiement dont un chèque de 30 000 € libellé à l’ordre de la légataire universelle. L’administration entend taxer celle-ci au motif que le jugement du tribunal de grande instance et l’arrêt de la cour d’appel comportent reconnaissance judiciaire d’un don manuel à son profit, laquelle est un fait générateur de taxation en application de l’article 757 du CGI.
La légataire soutient que la somme litigieuse constitue une donation rémunératoire, versée par la défunte en contrepartie de services rendus quotidiennement lui permettant de rester à son domicile alors qu’elle était devenue impotente. À l’appui de ses prétentions, la légataire produit des attestations, notamment de deux médecins confirmant sa présence systématique, attentive et dévouée lors des rendez- vous médicaux et hospitaliers de la défunte.
Décision de la Cour d’appel
La cour d’appel de Montpellier énonce que si le jugement du tribunal de grande instance et l’arrêt de la cour d’appel font état d’un chèque de 30 000 €, aucune de ces décisions ne déclare ou ne reconnaît de façon certaine et sans équivoque, tant dans son dispositif que dans ses motifs, une qualification de don manuel ou une transmission de la propriété à titre de libéralité ou une volonté libérale. Par ailleurs, la cour fonde son appréciation sur un examen détaillé et concret de divers éléments de preuve produits par la légataire, notamment des attestations démontrant qu’elle était la seule à fournir sur une longue période une aide quotidienne à la défunte. Les juges du fond en concluent que la somme litigieuse est proportionnée aux services rendus. En conséquence, les fonds versés constituent une donation rémunératoire, non taxable aux droits de mutation à titre gratuit.
À noter
Cet arrêt de la cour d’appel de Montpellier s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de donation rémunératoire : la qualification de donation rémunératoire repose sur la rémunération de services rendus au défunt par le bénéficiaire des sommes litigieuses (Cass. com. 8-7-1997 n° 1788 D ; Cass. com. 24-10-2000 n° 1740 F- D).
S’agissant de la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, on relèvera que les juges montpelliérains se fondent sur un arrêt de la Cour de cassation de 2012 pour énoncer que « loin de subordonner l’exigibilité du droit de donation à la condition que la reconnaissance judiciaire soit susceptible de créer un lien de droit entre le donateur et le donataire, l’article 757 du CGI donne pour base à la perception du droit le fait seul que le don manuel a été déclaré ou reconnu par le juge dans une décision qui, sans produire les effets légaux d’un titre valable, suffit cependant pour établir, au point de vue de la loi fiscale et à l’égard du donataire, la transmission de la propriété mobilière » (Cass. com. 21-2-2012 n° 10-27.914 F- PB ; BOI- ENR- DMTG- 20- 10- 20- 10 n° 40).
Source : CA Montpellier 16-6-2022 n° 16/05794
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