Un bref rappel préliminaire
Quel que soit leur régime matrimonial, les époux doivent décider ensemble de tous les actes qui risquent de priver la famille de sa résidence principale (C. civ. art. 215, al. 3) : vente, location, échange, hypothèque, donation, apport en société, partage et licitation, etc.
Cette règle s’applique :
· même si le logement familial appartient à un seul époux : celui qui en est propriétaire à titre personnel ne peut pas le vendre sans l’accord de son conjoint ;
· y compris si les époux sont en train de divorcer. S’ils vivent séparément, la résidence de la famille reste celle que les époux avaient choisie d’un commun accord avant leur séparation.
L’époux qui n’a pas consenti à l’acte peut le faire annuler s’il justifie d’un intérêt actuel.
Mais cette règle, qui procède de l’obligation de communauté de vie des époux, ne protège le logement familial que pendant le mariage.
Les circonstances de l’affaire
Un époux marié sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts consent à ses deux enfants issus d’une précédente union une donation portant sur la nue-propriété de biens immobiliers propres, dont l’un constitue le logement de la famille.
L’acte de donation stipule une réserve d’usufruit à son seul profit. Le consentement de l’épouse n’a pas été requis.
Après le décès du donateur, en cours d’instance de divorce demandé par son épouse, l’usufruit prend fin : par suite, le logement familial ne fait plus partie de la succession.
Mais l’épouse survivant obtient la nullité de l’acte de donation devant la cour d’appel pour violation de la règle selon laquelle les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille (C. civ. art. 215, al. 3 précité).
La décision de la Cour de cassation
L’arrêt de la cour d’appel est censuré par la Cour de cassation.
La Cour considère en effet que la donation n’a pas porté atteinte à l’usage et à la jouissance du logement familial par l’épouse pendant le mariage (Cass. 1e civ. 22-5-2019 n° 18-16.666 FS-PB, rendu pour la même affaire).
À noter. La Cour de cassation est sévère pour le conjoint survivant, qui se voit privé de tout droit sur le logement familial au décès de son époux, l’usufruit réservé par ce dernier à son seul profit disparaissant avec lui. Une sévérité d’autant plus grande que, le logement ne faisant plus partie de la succession du donateur, son conjoint survivant ne peut pas se voir accorder de droit au logement, que ce soit à titre temporaire (C. civ. art. 763) ou viager (C. civ. art. 764). La seule chose qui compte pour la Cour de cassation est que la jouissance du logement familial ait été assurée pendant toute la durée du mariage, celui-ci ayant pris fin avec le décès de l’époux donateur.
Cass. 1e civ. 22-6-2022 n° 20-20.387 F-D
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