Trois rescrits fiscaux apportent des précisions sur le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les bénéfices pour les entreprises créées ou reprises en ZRR dans certaines situations.
Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition de leurs résultats qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle et qui sont créées ou reprises, entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, dans une zone de revitalisation rurale (ZRR), peuvent, sous conditions, être totalement exonérées d’impôt sur le revenu (IR) ou d’impôt sur les sociétés (IS) pour leurs bénéfices réalisés (à l’exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d’actif), jusqu’au terme du 59e mois (soit pendant 5 ans) suivant celui de leur création ou de leur reprise, puis de façon dégressive sur 3 ans (de 75 %, de 50 % ou de 25 % sur les bénéfices réalisés respectivement au cours de la 1re, de la 2e ou de la 3e période de 12 mois suivant cette période d’exonération (CGI art. 44 quindecies).
Pour bénéficier de cette exonération d’IR ou d’IS :
– le siège social de l’entreprise et l’ensemble de son activité et de ses moyens d’exploitation doivent être implantés dans une ZRR. Si l’entreprise exerce une activité non sédentaire, réalisée en partie en dehors des ZRR, la condition d’implantation est réputée satisfaite dès lors qu’elle réalise au plus 25 % de son chiffre d’affaires en dehors d’une ZRR. Au-delà de 25 %, les bénéfices réalisés sont soumis à l’IR ou IS dans les conditions de droit commun en proportion du chiffre d’affaires réalisé en dehors d’une ZRR ;
– l’entreprise doit compter moins de 11 salariés ;
– l’entreprise ne doit pas exercer une activité bancaire, financière, d’assurances, de gestion ou de location d’immeubles, de pêche maritime ;
– le capital de l’entreprise créée ou reprise ne doit pas être pas détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d’autres sociétés ;
– l’entreprise ne doit pas être créée dans le cadre d’une extension d’activités préexistantes.
1 – En cas de changement de régime fiscal d’une entreprise exonérée en vertu de l’article 44 quindecies du CGI
Question :
Dès sa création, une SARL a opté pour le régime des sociétés de personnes en application de l’article 239 bis AB du CGI et bénéficie de l’exonération prévue à l’article 44 quindecies du CGI. Son résultat est donc totalement exonéré d’impôt sur les bénéfices pendant les 5 premières années puis dégressivement les 3 années suivantes.
L’option pour le régime des sociétés de personnes étant valable 5 exercices, la société est soumise de plein droit à l’IS à l’issue de cette période. Ce changement de régime fiscal entraîne-t-il la perte de l’exonération des bénéfices, dégressive, prévue par l’article 44 quindecies du CGI ?
Réponse de l’administration :
l’option pour le régime des sociétés de personnes ouverte par l’
article 239 bis AB du CGI
en faveur des très petites sociétés de capitaux de création récente produit ses effets pour une période de 5 exercices au plus, à l’expiration de laquelle les résultats de l’entreprise sont de plein droit soumis à l’IS.
Ce changement de régime fiscal entraîne, en principe, les conséquences fiscales d’une cessation d’entreprise et donc la perte du régime d’exonération prévu à l’
article 44 quindecies du CGI
pour la durée restant à courir.
Toutefois, en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, la société bénéficie du régime d’atténuation prévu au II de l’
article 202 ter du CGI
(report d’imposition) si elle respecte les 2 conditions cumulatives suivantes :
– la société ne modifie pas ses écritures comptables ;
– l’imposition de ses revenus, profits et plus-values non encore imposés demeure possible sous le nouveau régime.
Si ces conditions sont respectées, les bénéfices en sursis d’imposition, plus-values latentes et profits sur stocks non encore imposés ne font pas l’objet d’une imposition immédiate.
Dans ces conditions, la seule sortie du régime des sociétés de personnes ne fait pas obstacle à la poursuite de l’application du régime d’exonération prévu à l’article 44 quindecies du CGI.
Ainsi, la SARL qui, à l’issue de son 5e exercice d’activité, sort définitivement du régime des sociétés de personnes pour être soumise à l’IS, peut continuer à bénéficier du régime d’exonération jusqu’au terme de sa période, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la période de 3 ans d’application d’abattements dégressifs restant à courir, à condition de remplir les conditions lui permettant de bénéficier du régime du II de l’article 202 ter du CGI et sous réserve que les conditions propres au régime de l’article 44 quindecies du CGI demeurent respectées.
2 – En cas d’exercice d’une profession libérale en tant que collaborateur auprès d’un praticien libéral, puis installation à titre personnel en ZRR
Question :
un médecin exerce sa profession auprès d’un autre praticien selon un contrat de collaboration dans une commune classée en zone d’aide à finalité régionale (ZAFR). En dépit de sa qualification de collaborateur, il a apposé sa plaque personnelle de praticien, s’est constitué une patientèle propre et a exercé son activité sous son nom propre. Il n’a bénéficié d’aucune mesure d’allègement au titre de son activité.
Ce médecin envisage de rompre son contrat de collaboration et de s’installer à titre personnel dans une commune limitrophe classée en ZRR, tout en gardant la patientèle qu’il s’était constitué auparavant. Peut-il, au titre de son installation en son nom propre, bénéficier du régime de faveur des ZRR prévu à l’article 44 quindecies du CGI ?
Réponse :
conformément à la
réponse ministérielle Louwagie (n° 69794, JOAN du 11 août 2015)
, l’implantation en ZRR d’un médecin, alors qu’il conserve, même partiellement, sa patientèle, ne peut être analysée comme une création ex nihilo, mais doit être regardée comme une reprise par soi-même
, exclue du dispositif d’exonération en application de la mesure anti-abus pour les entreprises individuelles (CGI art. 44 quindecies, II-b)
Or, à la suite de la mesure d’assouplissement introduite par l’
article 23 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018
modifiant le b du III de l’article 44 quindecies du CGI, les reprises ou restructurations dont fait l’objet une entreprise individuelle au sein du cercle familial ouvrent désormais droit au dispositif d’exonération s’il s’agit de la première opération de ce type. Cette mesure d’assouplissement de la clause anti-abus s’applique à l’impôt sur le revenu dû au titre de 2017 et des années suivantes.
Au cas d’espèce, le transfert d’activité envisagé par le praticien constitue une première opération de reprise de l’entreprise individuelle par lui-même. L’installation en ZRR pourra ouvrir droit au bénéfice du régime prévu à l’article 44 quindecies du CGI, sous réserve que le médecin remplisse l’ensemble des conditions requises.
3 – Cas d’un professionnel libéral remplaçant qui s’installe en tant que collaborateur auprès d’un autre praticien libéral
Question :
un professionnel de santé débute son activité en tant que remplaçant et ne bénéficie, à ce titre, d’aucun régime de faveur. Il devient par la suite collaborateur d’autres praticiens libéraux et transfère son activité dans leur cabinet situé dans une commune classée en ZRR.
Peut-il, au titre de son installation en tant que collaborateur, prétendre au bénéficie du dispositif d’allègement prévu à l’article 44 quindecies du CGI ?
Réponse :
l’
article 44 quindecies du CGI
prévoit que les entreprises créées ou reprises dans les ZRR entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 sont exonérées temporairement d’impôt sur les bénéfices. L’exonération n’est cependant pas applicable lorsque l’entreprise est créée ou reprise dans le cadre d’une extension d’activités préexistantes (BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-20 § 110).
À cet égard, le e du II de l’article 44 quindecies du CGI énonce que l’existence d’un contrat, quelle qu’en soit la dénomination, ayant pour objet d’organiser un partenariat caractérise l’extension d’une activité préexistante lorsque l’entreprise créée ou reprenant l’activité bénéficie de l’assistance de ce partenaire, notamment en matière d’utilisation d’une enseigne, d’un nom commercial, d’une marque ou d’un savoir-faire, de conditions d’approvisionnement, de modalités de gestion administrative, contentieuse, commerciale ou technique, dans des conditions telles que cette entreprise est placée dans une situation de dépendance.
Il est précisé que l’extension d’activités préexistantes ne dépend pas de la qualification juridique du contrat mais de la situation de fait qui lie les parties à ce contrat : seul un examen attentif des clauses contractuelles doit permettre de réunir les éléments nécessaires pour démontrer la situation de dépendance.
Au cas d’espèce, non seulement un praticien remplaçant reprend une partie de l’activité du professionnel titulaire qu’il remplace, mais exerce aussi son activité dans le cadre d’un contrat de partenariat où il bénéficie de l’assistance de celui-ci (mise à disposition de patientèle, de locaux, de services administratifs, etc.) et se trouve dans une situation de dépendance à son égard.
En conséquence, l’exercice d’une activité dans le cadre d’un contrat de remplacement correspond à une extension d’activités préexistantes et n’ouvre pas droit au dispositif de faveur dans les ZRR.
Néanmoins, un praticien remplaçant qui décide d’avoir son cabinet propre (en le créant, en le reprenant ou en exerçant dans le cadre d’un contrat de collaborateur) cesse son activité de remplaçant et crée ou reprend une autre activité. Dès lors, pour cette activité créée ou reprise, il pourra bénéficier de l’exonération prévue à l’article 44 quindecies du CGI, s’il remplit l’ensemble des conditions requises.
Lorsque cette activité est développée dans le cadre d’un contrat de collaboration, si le contrat prévoit que le collaborateur exerce son activité de façon indépendante et dispose de sa clientèle propre, l’extension d’activités préexistantes ne peut être caractérisée. Il convient alors de reconnaître le caractère nouveau de l’activité et d’appliquer le régime de faveur.
Par conséquent, au cas d’espèce, si le praticien exerce bien en toute indépendance son activité de collaborateur et s’il remplit l’ensemble des conditions requises, il peut bénéficier du dispositif d’exonération prévu à l’article 44 quindecies du CGI.
Sources :
BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-30
;
BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-20
; BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-20190626
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