Le président et associé unique d’une SASU ne peut pas refuser de déposer les comptes annuels de la société au motif que cela porte atteinte à la protection de ses données personnelles.
L’article L 611-2,11 du Code de commerce prévoit que lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par la loi, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.
Le président et associé unique d’une SASU, qui n’avait pas procédé au dépôt de ses comptes annuels entre 2015 et 2017, a été enjoint par le juge chargé de la surveillance du Registre du commerce et des sociétés d’y procéder dans un délai d’un mois sous astreinte de 100 € par jour de retard, conformément à l’article L 611-2, II.
N’ayant pas obtempéré, il a été condamné à payer solidairement avec la SASU au Trésor public une somme de 3 000 € en liquidation de l’astreinte.
Pour contester ces décisions, le président-associé a invoqué l’atteinte à la protection de ses données à caractère personnel, en violation notamment de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et du Règlement général sur la protection des données (RGPD). En l’obligeant à déposer ses comptes au greffe, le tribunal l’a contraint à divulguer à des tiers, sans y avoir consenti, des informations d’ordre patrimonial de nature personnelle dans la mesure où il est le seul associé de la société propriétaire de l’entreprise exploitée. Il estime que cela constitue une atteinte disproportionnée au droit de la protection des données à caractère personnel.
Si la Cour de cassation reconnaît, s’appuyant sur une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 27-6-2017 n° 931/13), que les données portant sur le patrimoine d’une personne physique relèvent de sa vie privée, les comptes annuels d’une SASU ne constituent toutefois que l’un des éléments nécessaires à la détermination de la valeur des actions que possède son associé unique, dont le patrimoine, distinct de celui de la société, n’est qu’indirectement et partiellement révélé.
Pour la Cour, l’atteinte portée au droit de la protection des données à caractère personnel de l’associé unique par la publication des comptes de la société est proportionnée au but légitime poursuivi par l’article L 611-2, II, à savoir la détection et la prévention des difficultés des entreprises.
Source :
Cass. com. 24-6-2020 n° 19-14.098
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