La transmission à titre gratuit de titres d’une société holding animatrice n’est partiellement exonérée de droits (exonération Dutreil) que si son activité civile n’est pas prépondérante. La preuve est apportée par la méthode du « faisceau d’indices ».
Quelques explications préliminaires
Les transmissions par décès et les donations de parts ou actions de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation (ou « pacte Dutreil ») sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur (sans limitation de montant).
L’exonération Dutreil-transmission est réservée aux sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (CGI art. 787 B).
Les activités purement civiles ne peuvent pas en bénéficier, mais il n’est toutefois pas exigé que l’activité opérationnelle soit exercée à titre exclusif. Les titres de sociétés ayant une activité mixte peuvent ainsi être exonérés si l’activité civile n’est pas prépondérante (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 20).
L’activité des sociétés holdings les exclut en principe du champ d’application de l’exonération partielle. Il est toutefois admis que leurs parts ou actions peuvent bénéficier de l’exonération lorsqu’elles sont animatrices de leur groupe (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 50).
Les faits qui ont été soumis à l’appréciation des juges
L’associé d’une société holding animatrice donne la nue-propriété d’une partie de ses titres à son fils. La donation bénéficie de l’exonération Dutreil-transmission. L’administration fiscale refuse l’exonération au motif que la société exerce à titre prépondérant une activité civile de gestion de valeurs mobilières. En revanche, pour le TGI de Paris, dès lors que la société holding est animatrice, l’exonération Dutreil s’applique sans qu’il y ait lieu de rechercher comme c’est le cas pour les sociétés « opérationnelles » si l’activité civile est exercée ou non de façon prépondérante.
La cour d’appel confirme le bénéfice de l’exonération mais avec une approche différente : ce n’est qu’après avoir appliqué les critères de la prépondérance en écartant celui relatif au chiffre d’affaires (au motif qu’il est inopérant en présence d’une société holding) et avoir constaté que l’actif brut immobilisé de la société représentait 61,24 % de l’actif brut total que les juges considèrent que l’activité d’animation est prépondérante par rapport à l’activité civile (CA Paris 5-3-2018 n° 16/08688) et que la seule analyse du bilan ne suffit pas à établir la prépondérance de l’activité d’animation d’une société holding animatrice sans considération des activités du groupe.
La décision de la Cour de cassation : la preuve de l’activité de la société holding animatrice est apportée par la méthode du « faisceau d’indices »
La décision de la cour d’appel est censurée.
La prépondérance s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice. Par ailleurs, le caractère principal de l’activité d’animation est démontré notamment lorsque la valeur vénale, au jour de la transmission des titres des filiales détenus par la société holding, représente plus de la moitié de son actif total :
- il convient effectivement d’appliquer les critères de la prépondérance aux sociétés holdings et la seule analyse du bilan ne suffit pas à établir la prépondérance de l’activité d’animation ;
- mais la cour d’appel ne peut s’appuyer sur le critère de l’actif brut immobilisé (61,24 % de l’actif brut total de la société holding) pour établir l’activité principale d’animation de la société holding, ce que l’administration contestait en soutenant que la valeur vénale réelle des actifs de la société relatifs à son activité civile de gestion de valeurs mobilières représentait une part prépondérante de son actif total réévalué au jour de la mutation.
Conclusion
La Cour de cassation confirme l’application des critères de la prépondérance aux sociétés holdings reconnues animatrices de leur groupe, solution partagée par le juge administratif (CE plén. 13-6-2018 n° 395495). Pour établir si une société exerçant une activité mixte a ou non une activité civile prépondérante, l’administration prévoyait deux critères cumulatifs : le chiffre d’affaires procuré par cette activité et le montant de l’actif brut immobilisé. Ces critères ont depuis été annulés par le Conseil d’État (CE 23-1-2020 n° 435562).
Pour l’heure, il convient de faire preuve de prudence lors de la transmission de titres de société holding exerçant une activité mixte. Il faut ainsi s’interroger à la fois sur le caractère animateur de la société holding, mais aussi, si celui-ci est avéré, sur le caractère prépondérant de l’activité d’animation.
Source :
Cass. com. 14-10-2020 n° 18-17.955 FS-PB
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