Quelques explications préliminaires
Passé la première année du veuvage, le conjoint survivant peut normalement demander à bénéficier sa vie durant d’un droit d’habitation sur son logement et d’un droit d’usage sur le mobilier de ce logement (C. civ. art. 764 à 766).
La valeur des droits d’habitation et d’usage s’impute sur celle des droits successoraux que recueille le conjoint et vient donc en diminution de sa part d’héritage. Cependant, le conjoint n’a pas à indemniser la succession si la valeur des droits d’habitation et d’usage excède sa part de succession.
Les circonstances de l’affaire
Au décès de son époux, une veuve continue d’occuper un bien acquis qu’ils avaient acquis ensemble.
Le fait de se maintenir ainsi dans les lieux équivaut-il à une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement (C. civ. art. 764) ?
Affirmatif pour la cour d’appel. Sauf cas de renonciation expresse, le maintien dans les lieux 1 an après le décès suffit à bénéficier du droit viager au logement. L’épouse survivante jouit paisiblement du logement familial de façon ininterrompue depuis le décès de son mari. Son maintien dans les lieux doit s’analyser en une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement, quand bien même une demande expresse tardive en ce sens aurait été formulée.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et répond par la négative.
Le conjoint survivant dispose d’un délai de 1 an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement (C. civ. art. 765-1). Si cette manifestation de volonté peut être tacite, elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux.
À noter
Confirmation de jurisprudence.
La manifestation de la volonté du conjoint dans l’année du décès de bénéficier de son droit viager au logement peut être tacite (Cass. 1e civ. 11-5-2016 n° 15-16.116 F-D ; Cass. 1e civ. 13-2-2019 n° 18-10.171 FS-PB). En effet, aucun formalisme impératif n’est imposé par la loi.
Pour autant, le maintien dans les lieux l’année du décès ne saurait être à lui seul un élément de preuve décisif de la volonté du conjoint survivant d’en profiter. Cette occupation est équivoque pouvant être comprise comme l’exercice du droit temporaire au logement.
Cass. 1e civ. 2-3-2022 n° 20-16.674 FS-B
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