Lorsque l’adoption d’une décision de société civile nécessite l’unanimité des associés, cette décision doit être approuvée par tous les associés de la société et pas seulement par ceux qui participent à l’assemblée. À défaut, cette décision est nulle.
Dans les sociétés civiles, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions des statuts ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés (C. civ. art. 1852). Ce texte ne limite pas l’unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée, mais vise la totalité des associés de la société.
La décision adoptée en violation de cette exigence d’unanimité (ou des clauses des statuts qui l’aménagent) est nulle car l’article 1852 constitue une disposition impérative au sens de l’article 1844‑10 du Code civil. Après avoir énoncé ces principes, la Haute Juridiction a déclaré nulles les décisions d’approuver les comptes d’une société civile, de donner quitus au gérant et de distribuer des dividendes, prises à l’unanimité des associés présents à une assemblée, alors que certains autres associés n’y étaient ni présents, ni représentés et que les statuts ne prévoyaient pas de clause dérogeant au principe d’unanimité.
À noter : C’est la première fois que la Cour de cassation définit la notion d’unanimité des associés. La cour d’appel de Versailles avait déjà retenu que l’unanimité s’entend de la totalité des associés liés par le pacte social, à propos de la transformation d’une société en SAS, qui nécessite, elle aussi, l’unanimité des associés en application de l’article L 227‑3 du Code de commerce (CA Versailles 24‑2‑ 2005 n° 03‑7294). La solution repose sur la conception selon laquelle l’unanimité exigée par la loi est l’expression d’un consentement individuel des associés, pris en leur qualité d’associé, et non un mode particulier de scrutin lors des décisions collectives. La solution est à notre avis transposable à toutes les situations dans lesquelles la loi requiert l’« unanimité des associés » (ou des actionnaires) pour l’adoption d’une décision dans une société.
Des difficultés additionnelles peuvent apparaître en présence de droits concurrents sur des droits sociaux.
En cas d’indivision, la qualité d’associé est en effet reconnue à chacun des indivisaires. Toute prise de décision à l’unanimité nécessite donc à notre avis le consentement de tous les indivisaires. Lorsque les droits sociaux sont démembrés, seul le nu‑propriétaire a la qualité d’associé. C’est donc son accord qu’il convient de recueillir. Cette règle peut conduire à une situation paradoxale lorsque, comme en l’espèce, c’est l’affectation des bénéfices d’une société civile qui est en cause. En effet, en cas de décision collective, c’est à l’usufruitier que revient le droit de vote relatif à cette affectation (C. civ. art. 1844, al. 3). Il ne peut pas en être privé car le droit d’user du bien et d’en percevoir les fruits sont des prérogatives essentielles que l’article 578 du Code civil attache à l’usufruit. Dans une telle situation, il conviendrait, par prudence, de recueillir l’accord tant du nu‑propriétaire (en sa qualité d’associé) que de l’usufruitier (en vertu du droit des biens). Il en va de même dans les SNC en l’absence de clause statutaire dérogeant à l’exigence d’unanimité (C. com. art. L 221‑6). On ne peut que recommander aux sociétés d’anticiper ces éventuelles difficultés en prévoyant dans les statuts, lorsque la loi l’autorise, des règles d’adoption des décisions qui dérogent ou aménagent l’exigence d’unanimité. Il importe d’apporter un soin tout particulier à la rédaction des statuts afin que ceux‑ci soient en adéquation avec l’objectif recherché.